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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

La crise du capitalisme, tant sociale qu'écologique, rouvre la question théorique de la valeur : état des lieux
Jean-Marie Harribey  1@  
1 : Université de Bordeaux, GRETHA-UMR CNRS 5113  -  Website
Université Montesquieu - Bordeaux IV
avenue Léon Duguit 33608 Pessac-cedex -  France

L'économie politique classique, qui naît véritablement à la fin du XVIIIesiècle et au début du XIXeavec Smith et Ricardo, jette les bases d'une théorie de la valeur fondée sur le travail et établissant l'irréductibilité de la valeur d'échange à la valeur d'usage. Un peu plus tard, critiquant une économie politique visant à établir les lois universelles et intemporelles de l'économie, Marx reformulera complètement cette théorie pour établir la « loi de la valeur » régissant l'accumulation du capital dont il dira qu'elle est sociale et historique. Tout cela disparaîtra ensuite dans la « science économique » néoclassique dès la fin du XIXe siècle et au cours du XXe. Il faudra attendre l'irruption d'une crise écologique majeure pour reposer la question de la valeur à nouveaux frais.

Plusieurs directions de recherche peuvent aujourd'hui être identifiées. Une « économie de l'environnement » s'est constituée à l'intérieur de la théorie néoclassique affirmant prendre en compte la « valeur de la nature » et jeter les bases d'une soutenabilité du développement, mais dans sa version faible.

Une autre réflexion s'est engagée pour élaborer de nouveaux indicateurs de richesse [en France, Gadrey et Jany-Catrice, 2005 ; CESE, 2009 ; INSEE, 2017 ; à l'échelle internationale, World Bank, 2006 ; Stiglitz, Sen et Fitoussi, 2009 ; IUCN, 2009], qui eux aussi nécessitent de revisiter l'objet de la mesure, la richesse, et sa qualité. 

Il existe aussi une problématique marxienne de l'écologie inscrite dans les rapports sociaux, qui développe deux idées principales : d'une part, Marx voit le capitalisme comme provoquant une « rupture métabolique » entre l'homme et la nature ; d'autre part, la crise du capitalisme est avant tout une crise de production de valeur, cette production étant limitée par des contradictions sociales et, de plus en plus, par les contradictions écologiques. 

Après avoir rappelé les termes d'un débat qui court depuis l'origine de l'économie politique pour savoir si la richesse se réduit à la valeur économique, nous essaierons de montrer en quoi la valeur est une catégorie sociale, c'est-à-dire dont l'existence dépend de la validation sociale du travail. À ce titre, il paraît opportun de réfléchir à d'autres manières de mesurer richesse et valeur et de redéfinir la notion de travail productif. Nous soutiendrons l'idée que la théorie de valeur de Marx, le plus souvent hors des sentiers du marxisme historique, est capable de prendre en compte la question écologique. Nous examinerons ensuite le statut et le rôle des prix donnés à l'utilisation de biens naturels.

Mais deux phénomènes bousculent à nouveau, au début de ce XXIesiècle, les catégories de valeur et de richesse : la mondialisation de l'économie d'une part, et la révolution technique de l'information et l'enjeu des communs d'autre part. Dans ce contexte, il conviendra de discuter l'hypothèse de dépassement de la catégorie valeur, parce que, dans le cadre de la révolution numérique, la frontière entre économie productive et économie de rente s'efface. 

Ces débats théoriques sont loin d'être clos. Ils sont sans doute le reflet des très grandes incertitudes qui entourent l'avenir du système économique lui-même et des sociétés. Sur le plan épistémologique, ces débats impliquent que l'économie redevienne politique.

 

 



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