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Colloque international - Lille, France (3-5 juillet 2019)

Penser l'économie de demain et le futur de l'économie politique

Consultation des communications > Par auteur > Svartzman Romain

Désinvestir le paradigme des investissements « verts » - Les limites écologiques des approches hétérodoxes de la théorie financière
Nelo Magalhães  1@  , Romain Svartzman  2@  
1 : Université Paris Diderot - Paris 7
Laboratoire Ladyss
2 : McGill

Ce travail part du constat d'une intense mobilisation dans les arènes internationales (institutions monétaires, ONG, gouvernements, etc.) et dans le champ académique visant à « trouver » des investissements « verts » qui permettraient de répondre aux crises écologiques actuelles. Que ce soit par le marché dans sa version néoclassique - mécanismes de prix et/ou marché mondial du carbone - ou par l'Etat dans sa version keynésienne - régulation financière et/ou Green New Deal permettant de réorienter les croyances d'acteurs à la rationalité limitée - les politiques publiques proposées diffèrent selon les propositions mais s'accordent sur le fond : un certain montant d'investissements « verts » serait capable d'opérer la transition vers une économie respectueuse des écosystèmes planétaires. C'est ce consensus quant à la « capabilité » attribuée aux investissements « verts » qui fait l'objet de notre recherche, avec une attention particulière portée à l'incapacité des théories hétérodoxes à penser les causes historiques (y compris étatiques) des désastres écologiques.

Notre présentation se tient en quatre temps. Nous commençons par définir le paradigme des investissements « verts ». Nous examinons ensuite les impasses et le réductionnisme de ce paradigme. Nous mettons en évidence la vision techno-utopiste, schumpétérienne et apolitique du changement, indifférente à de nombreux enseignements au croisement des sciences sociales et environnementales (Bonneuil et Fressoz 2016, Hornborg 2013, Moore 2015, Smil 2010). Au contraire, une myriade de solutions potentielles à nos crises écologiques ne passent par des investissements « verts » et demandent même une réduction nette des investissements par rapport au business-as-usual. Il ne s'agirait donc pas seulement de réallouer le capital mais également, et peut-être surtout, de dépasser le prisme de l'accumulation du capital, que celle-ci soit aux mains du marché ou orientée par l'intervention étatique.

Dans une troisième partie, nous montrons que le cadrage de la transition écologique à travers les investissements « verts » révèle un problème de fond : les approches hétérodoxes de la théorie financière, bien que dépassant l'hypothèse d'efficience des marchés, offrent de fait bien peu de pistes de transformation de la relation sociale à la nature. Dit autrement, la mobilisation de l'intervention étatique par la théorie hétérodoxe reste encastrée dans une vision de domination de la nature qui semble pourtant au cœur de nos crises actuelles.

La théorie financière doit donc comprendre comment une nouvelle écologie politique de l'Etat (Ioris 2014) pourrait influencer la structure et les fonctions d'un système financier au sein d'une planète finie composée d'écosystèmes aux valeurs incommensurables (Muradian and Rival 2012). Dans cette optique, nous terminons ce travail par une série de débats théoriques (sur la monnaie et l'investissement capitaliste) qu'il faut « investir » selon nous. Ceci demande, logiquement, de sortir du cadrage dominant, autrement dit : désinvestir le paradigme des investissements « verts ».



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