Dans le fonctionnement actuel de l'économie, le constat est continuellement fait de la nécessité de réorganiser l'activité économique pour préserver des patrimoines naturels communs. Des activités à finalités environnementales se structurent dans de nombreux secteurs pour répondre à ces enjeux de gestion collective de ressources communes. Dans les Alpes françaises, différents acteurs scientifiques et praticiens s'organisent pour promouvoir le développement des semences d'origine locale en restauration écologique de milieux ouverts d'altitude, afin de limiter l'érosion de biodiversité générée par l'utilisation de semences exogènes.

Un champ de recherche récent en sciences de gestion porte sur les mécanismes d'émergence de nouvelles formes de gestion orientées vers la préservation de ressources communes. La compréhension de ces processus passe notamment par l'examen des schémas cognitifs et systèmes de valeurs associés à la gestion des ressources. Au sein de ce champ de recherche, notre travail vise à retracer la traduction de la prise de conscience d'un problème écologique en une problématique organisationnelle, en considérant conjointement les pratiques de restauration écologique et les cadres cognitifs associés. Pour cela, nous proposons une analyse descriptive et narrative du mode de gestion dominant, puis des formes émergentes d'action collective pour le développement des semences d'origine locale. Trois dimensions de gestion sont examinées : (1) les pratiques de production, prescription et restauration, (2) les qualifications et représentations relatives à la ressource, (3) les valeurs projetées sur la ressource, en lien avec les registres discursifs et les pratiques. Ce travail d'analyse se base sur la confrontation et le recoupement de données principalement qualitatives, avec des entretiens et nombreux documents issus de l'observation participante dans des projets de développement des semences locales, et de données quantitatives, notamment sur les pratiques de revégétalisation en domaines skiables et sur les coûts comparés des modes de restauration. Nous voulons ainsi initier un éclairage scientifique sur l'émergence de pratiques nouvelles pour la gestion d'un patrimoine vivant, et proposer des pistes pour la mise en place d'une gestion collective de la ressource en cohérence avec les recommandations écologiques.