Dans une vision pessimiste, la crise environnementale et sociétale que cause le modèle actuel de développement économique est le signe de la transformation, lente et inéluctable, de la société démocratique en société de marché (Polanyi, 1983). Dans une vision optimiste qui est la notre, cette crise offre la possibilité de trouver une transition vers une société inclusive et durable. Dans cette hypothèse, l'ESS est une réponse clef. 

En effet, l'ESS – et c'est sans doute pourquoi on a tant de mal à la saisir – est d'une triple nature. C'est, tout d'abord, un projet politique, celui d'une citoyenneté participative qui, non seulement, prend toute sa place dans la société civile et dans la sphère politique, mais qui a vocation à se développer au sein même de la sphère économique. Dans l'ordre symbolique, l'ESS est une utopie, au sens de Ricoeur (1997) : un projet laïc de société qui conteste l'idéologie. Surtout, elle propose une nouvelle vision de l'ordre social démocratique, une nouvelle culture, non plus fondée sur la maximisation individuelle de l'utilité, mais sur la recherche collective de solidarités démocratiques. Dans l'ordre économique, L'ESS est un ensemble d'innovations sociales diverses, dont beaucoup reposent sur des principes d'actions qui ne sont pas ceux de l'économie de marché. L'habitat participatif vise à privilégier l'usage sur la propriété, les zones de gratuité, l'échange verbal plutôt que l'échange monétaire, le mouvement slow, le temps long sur le temps court, etc. L'ESS est donc porteuse de principes économiques qui sont alternatifs au système actuel. Mieux ces principes - concrets - d'économie solidaire permettent de conceptualiser un nouveau paradigme économique. En effet, la délibération dans des espaces publics de proximité est le point commun à ces initiatives. D'où l'hypothèse de base fondant le délibéralisme : et si, à l'heure de l'émergence d'une société de la connaissance, le meilleur facteur d'allocation des ressources n'était pas le marché, mais la délibération ?