L'analyse de « la » coordination en médecine de ville révèle une pluralité d'interprétations et de fonctions associées, que l'on s'intéresse au point de vue des professionnels impliqués dans des dispositifs de coordination, ou que l'on s'intéresse aux discours et outils de la politique de santé. Au-delà du débat conceptuel, ce flou sémantique est source de confusion pour appréhender la nature et l'intensité des changements souhaités, pour comprendre les difficultés et besoins des professionnels, et pour leur rémunération adaptée. Alors que ces dispositifs sont amenés à se multiplier voire à se généraliser, cette problématique s'accentue.

Notre propos est ici d'éclairer l'une des formes de coordination apparemment promues par la politique de santé. Cette coordination, que nous qualifions de « synergique », doit permettre aux organisations pluri professionnelles de construire des projets de santé, des protocoles communs de prise en charge, un suivi collectif du patient. Elle implique que l'organisation crée des ressources spécifiques, des outils de coordination qui constituent à la fois le produit et le support de l'action collective. La rationalité instrumentale est cohérente avec l'analyse d'échanges entre des professionnels de santé réunis au sein d'organisations où ils conservent une prise de décision et une logique d'action individualisables. Dans le cas de la coordination synergique cependant, ces mêmes acteurs sont amenés à construire une représentation partagée du bien commun et de leur organisation, ce qui implique d'envisager une forme différente de rationalité.

Notre analyse de la coordination synergique dans les MSP nous permet également d'interroger la posture des pouvoirs publics. Si le projet de santé est paradoxalement un préalable imposé à la constitution d'une MSP (il est un élément réglementaire dans l'accès au statut de MSP et à son financement par l'ARS), il est ensuite peu présent dans les résultats attendus et valorisés par la politique de santé. Ces résultats renvoient plus à la coordination "fonctionnelle", qui agence autour de patients les interventions successives de professionnels différents, qu'à la coordination synergique, qui se distingue par un objectif partagé pour une action collectivement pensée et réalisée. La question des attentes des professionnels et des pouvoirs publics quant au rôle des MSP comme promoteurs de projets de santé, mais aussi celle des moyens et l'accompagnement de ces organisations de soins peuvent alors être posées.

Nous appuyons notre réflexion théorique sur les premiers résultats du suivi d'une expérimentation actuellement menée en région Bourgogne Franche-Comté, au sein de neuf Maisons de santé pluri professionnelles qui se sont volontairement engagées. Cette expérimentation, initiée par des acteurs de terrain et encouragée par la tutelle, veut faciliter la coordination entre les acteurs de chaque MSP et concrètement, les accompagner dans la conduite d'une action de santé publique, en mettant à leur disposition une « équipe ressource » expérimentée en la matière.