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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

Penser l'agroécologie : dépasser les dichotomies entre « savoir et croyance » et entre « tradition et progrès »
Mathieu Gervais  1@  
1 : Groupe Sociétés, Religions, Laïcités
Ecole Pratique des Hautes Etudes, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8582

La crise écologique révèle l'aporie de l'opposition entre nature et culture. Ce faisant elle invite à déconstruire l'idée de nature (Latour 2004) et rend nécessaire une généalogie des « cultures de la nature » (Mathieu et Jollivet 1989) des agriculteurs. Ainsi, on devient attentif à l'hybridation permanente entre les pratiques et les imaginaires. Cela nous invite à chercher les outils pour apprécier le processus de légitimation des pratiques dans un rapport critique entre savoir et croyance, progrès et tradition. C'est en partant de la sociologie des religions que je cherche la possibilité méthodologique de rendre compte de l'invention de positions subjectives à la fois professionnelles, politiques et croyantes.

En mêlant des apports théoriques issus des STS et de l'anthropologie des religions, il s'agira dans un premier temps de déconstruire l'opposition entre savoir et croyance. Les définitions des termes « religion » ou « spiritualité », comme celle de « science » ne sont pas univoques. Il convient de prendre au sérieux le travail situé de construction des frontières (Gieryn 1983) respectives de ces termes par les agriculteurs eux-mêmes. Dans le contexte français, le rapport biographique au christianisme d'une part et celui à l'écologie d'autre part s'avèrent décisifs pour comprendre cette construction.

Dans un second temps, le propos sera généralisé pour considérer l'opposition entre tradition et progrès. En s'appuyant sur une critique décoloniale de la modernisation (Dussel 1994) et sur un rapport critique à l'histoire (Bloch 1935), on peut voir que l'agroécologie ré-invente des manières d'être fidèle au passé, dont la portée politique varie.

Ainsi, les rapports à la « nature » ou encore l'invocation du « vivant » dans la justification des pratiques d'agroécologistes aux profils sociaux divers (issus ou non de milieux agricoles, jeunes et moins jeunes, plus ou moins politisés) invitent à revoir nos cadres conceptuels pour mieux penser la crise écologique.


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