Depuis le début des années 1990 aux Etats-Unis, puis dans l'ensemble des pays avancés, les transformations de l'organisation du travail ont produit des effets inattendus sur la sécurité au travail. Le mouvement de tertiarisation engagé depuis le milieu des années 1970 laissait à penser que le monde du travail deviendrait moins dangereux car les risques les plus importants se concentraient dans un secteur industriel en recul. Mais d'autres évolutions sont venues perturber cette trajectoire. La financiarisation, la mondialisation et des évolutions techniques et organisationnelles importantes ont contribué à renforcer la pression sur le travail, y compris dans les services. Par bien des aspects, les services semblent s'être industrialisés ce qui a pu conduire (Gadrey) à une moindre diminution des accidents de travail qu'aurait pu le laisser espérer la tertiarisation de l'économie. Un autre aspect plus qualitatif concerne également la nature des accidents et des sources de blessures liés au travail. Dans certains cas, les risques d'exposition traditionnels ont été nettement réduits à travers l'automatisation des installations, toutefois les nouvelles technologies ont aussi engendré de nouveaux risques (OIT, 2010). Selon l'OIT(2010), de nombreux travailleurs sont exposés à de «nouveaux» risques liés à l'évolution des structures de travail, en raison, par exemple, des conditions liées à la précarité de l'emploi et aux pressions croissantes pour répondre aux exigences actuelles de la vie professionnelle. Les profils d'âge de la main-d'œuvre évoluent également, de même que l'équilibre entre les sexes dans de nombreux lieux de travail. Ces changements dans la structure de l'emploi ont créé des risques qui étaient soit moins répandus, soit moins visibles auparavant. Les changements dans la structure de l'emploi n'est pas seulement attribuable à la globalisation. Selon l'organisation internationale du travail (2013) la crise économique a mis sous pression les entreprises ce qui les poussaient à des changements organisationnels et des restructurations. Ces changements organisationnels se matérialisent à travers un recours plus fréquent à la sous-traitance, des emplois de moins bonne qualité, des réductions d'effectifs qui suscitent un sentiment d'insécurité pouvant accroître les risques d'accidents.
A partir des données des 3 dernières vagues d'enquêtes européennes sur les conditions de travail mises en place par la Fondation Européenne (2005, 2010, 2015) nous allons tenter d'identifier les facteurs d'exposition aux risques d'accidents physiques. Voir si ceux-ci sont différents en fonction des pays et s'ils ont évolué à travers le temps. L'objectif principal de ce travail consistera à observer des modifications des facteurs d'exposition pouvant correspondre à la montée de contraintes organisationnelles en parallèle à une réduction des facteurs purement physique d'exposition.