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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

Marx face la comptabilité nationale: l'apport de la TSSI
Raphael Porcherot  1@  
1 : Institutions et Dynamiques Historiques de l\'Économie et de la Société
École normale supérieure - Cachan, Université Panthéon-Sorbonne, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis, Université Paris Nanterre : UMR8533, Université d'Évry-Val-d'Essonne, Centre National de la Recherche Scientifique : UMR8533

L'estimation du taux de profit suscite des débats toujours renouvelés dans le champ du marxisme. Leur pérennité s'explique notamment par le manque d'accord entre marxistes et donc l'incertitude sur la procédure correcte de traduction des catégories marxiennes dans les conventions de la comptabilité nationale. Si tous s'accordent à voir dans la durée du travail la mesure intrinsèque de la valeur, la controverse nait lorsqu'il devient question de passer de celle-ci à sa mesure extrinsèque, en monnaie, et donc de transformer les valeurs en prix de production. 

Nous ne nous proposons pas de revenir sur les débats récents portant sur l'estimation correcte du taux de profit. Simplement, nous voudrions montrer l'intérêt d'un concept issu des lectures unitaires (single-system) de la transformation des valeurs en prix de production: il s'agit du MELT, l'équivalent monétaire du temps de travail

Après en avoir exposé les deux formulations selon que l'on adopte l'approche de la Nouvelle Interprétation (NI) ou celle de la Temporal Single-System Interpretation (TSSI), nous opterons pour cette dernière pour en montrer trois usages possibles.

En premier lieu, la procédure permet de calculer directement l'équivalent monétaire de la survaleur, et donc de quantifier préciésment l'exploitation, sans avoir à suivre à la trace les évolutions de ses différentes manifestations empiriques. On résoud ainsi en la contournant la question de savoir s'il faut inclure ou non, et tout ou en partie, les profits financiers dans l'estimation des profits totaux. La prise en compte de la double distinction classique entre "activités de production (consommatrice" et activités de consommation (productrice)", qu'elles soient sociales ou individuells, et entre "travail productif" et "travail improductif" permet de de calculer différentes valeurs du MELT, renvoyant à différentes conventions de la valeur (néoclassique-keynésienne, marxiste-classique, marxiste "augmentée", matérialiste). 

En second lieu, s'il est un coefficient mesurant la productivité totale du travail au niveau agrégé en un instant donné, le MELT permet, à partir des données sectorielles (niveau des salaires et des profits, prix du capital et nombre d'heures travaillées), de construire un tableau de l'économie mettant en évidence les déviations sectorielles entre prix et valeurs, et donc de quantifier précisément les phénomènes d'extraction de rente. La même procédure pourrait être appliquée à des niveaux plus désagrégés encore. 

Enfin, le MELT est un indicateur permettant de distinguer entre une variation purement nominale des prix et une variation des prix causée par un changement dans la productivité du travail. Les mesures usuelles de l'inflation utilisent la technique du "panier de biens", dont on considère que l'évolution des prix est un proxy pour l'inflation. Parce qu'elles ne font pas la différence entre valeur et valeur d'usage, et travaillent avec un concept vague de valeur subjective, elles vont sous-estimer l'inflation nominale en confondant élévation de la productivité du travail causant une baisse des prix et déflation nominale. Le MELT apparait alors comme une mesure marxiste alternative du niveau des prix. 

Au total, le MELT se présente comme un outil pertinent pour un usage alternatif des conventions de la comptabilité nationale.



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