Pris dans la tourmente des crises financières de 2008 et 2011, Dexia, prêteur bancaire historique du crédit aux collectivités locales, est sauvé de la faillite par les Etats belge et français fin 2011. Notre communication revient sur la genèse de ce sauvetage en dernier ressort qui marque l'échec de la régulation marchande du crédit local institutionnalisée au début des années 1980.
Pour ce faire, elle s'appuie sur une approche institutionnaliste où la relation de crédit, et ses formes historiques, sont saisies à partir des régulations qui encadrent, de manière plus ou moins lâche, la demande de crédit émanant des collectivités locales, d'une part, et l'offre de crédit des acteurs financiers, d'autre part. Elle cherche notamment à rendre compte de la manière dont les interactions entre demande et offre de crédit sont conditionnées et en partie déterminées au niveau institutionnel.
Le forme marchande de la relation de crédit des collectivités locales prend racine dans le démantèlement progressif de la forme administrée institutionnalisée des années 1950 au début des années 1980. La forme administrée du crédit local met en évidence une régulation publique et administrée par l'Etat autant de la demande que de l'offre de crédit aux collectivités locales. Son démantèlement, progressivement organisé à la fin des années 1970, est consacré au début des années 1980 lorsque, d'une part, la liberté d'endettement est reconnue aux collectivités locales dans le cadre des lois de décentralisation de 1982 et, d'autre part, lorsque l'Etat met en ordre une régulation concurrentielle et privatisée de l'offre de crédit dans le cadre plus large de la libéralisation financière de l'économie française du milieu des années 1980. C'est par conséquent une forme marchande de la relation de crédit qui est consacrée. Elle s'appuie sur une régulation décentralisée de la relation de crédit, où collectivités locales et prêteurs sont désormais libres de négocier leurs produits de dette, l'Etat se mettant à distance d'une ingérence dans les affaires locales.
La communication souhaite montrer que c'est dans ce cadre marchand qu'émerge une financiarisation du modèle bancaire de Dexia qui transforme la relation de crédit qu'avaient nouée pendant plus de quarante ans les collectivités locales et Dexia, anciennement Crédit Local de France et Caisse d'Aide à l'Equipement des Collectivités Locales. Cette fuite en avant de Dexia se rompt brutalement dans le fracas des crises financières, nécessitant une intervention en dernier ressort de l'Etat pour éviter un credit crunch sur le marché du crédit local. Alors que l'Etat s'était retiré du prêt aux collectivités locales, mettant en marché la dette locale à compter des années 1980, c'est bien lui qui doit « payer la facture » des dérives d'une telle régulation marchande.