Les économistes s'accordent souvent sur le constat des inégalités entre femmes et hommes, dans l'emploi (sphère de la production économique) comme dans la famille (sphère de la reproduction sociale) mais sont divisé.e.s quant à l'interprétation à en donner. Tandis que les analyses néoclassiques prennent les comportements et la rationalité individuels pour point de départ et prêtent une attention particulière aux préférences et aux discriminations, les analyses hétérodoxes (souvent institutionnalistes) mettent en avant le rôle structurant des normes, règles et institutions – voire des régulations du capitalisme. Après un retour sur la manière dont l'économie néoclassique et l'économie institutionnaliste font place au genre (1), nous illustrerons les clivages de l'économie féministe en suivant deux de ses lignes de faille (2) : celle de l'analyse des inégalités dans l'emploi, notamment les écarts de salaires, et celle de l'analyse de la division inégale du travail parental et domestique. Nous montrerons que la manière dont ces inégalités sont analysées est tout sauf neutre d'un point de vue normatif (3) : tandis que l'économie féministe néoclassique se concentre sur la question des préférences et des discriminations pour soutenir des politiques d'égalité des chances, l'économie institutionnaliste invite à penser l'égalité comme un processus de changement des régulations de l'emploi et de la protection sociale dans une perspective de transformation économique et sociale.