Confrontées à des difficultés pour légitimer leur budget, les administrations françaises se sont engagées depuis les années 1980 dans une mise en gestion de leurs activités vouée à contenir la volatilité de leurs coûts. Pôle emploi, qui a remplacé l'ANPE en 2009 ne fait pas exception. Cette institution en charge du retour à l'emploi s'appuie sur des Contrôleurs de gestion qui œuvrent à rendre l'activité planifiable. Ces derniers consolident des indicateurs de performance, des logiciels de reporting ou des procédures de négociation et de suivi des objectifs. Ils interviennent, plus discrètement pour ajuster les façons de travailler aux nécessités de forme et de fond des dispositifs de gestion. En fin de compte, Pôle emploi devient un établissement susceptible d'être piloté conformément aux principes de la nouvelle gestion publique c'est-à-dire maîtrisant ses dépenses, optimisant ses ressources et in fine capable d'annoncer les objectifs qu'il devrait atteindre dans les 12 ou 18 mois à venir... Un comble quand les chiffres du PIB et du chômage demeurent largement imprévisibles.
Les différentes transformations qui ont contribué à cette fin de l'histoire ont modifié de façon importante le travail des agents auprès des chômeurs. Les dispositifs de gestion sont parvenus à rendre le chômage maîtrisable en transformant la masse des chômeurs en un flux qui s'est trouvé canalisé pour circuler entre les différents services proposés par Pôle emploi. Les chômeurs se déplacent donc entre différents stades d'un parcours planifié et qui a pour philosophie de les « rapprocher » du marché du travail, quand bien même les offres d'emploi n'existeraient pas en nombre suffisant. Face à eux le travail des agents consiste alors à sélectionner les demandeurs d'emploi pour décider des circuits qu'ils seront amenés à emprunter dans le flux. Et c'est avant tout sur ce travail de tri que pèse la nouvelle gestion publique, en conduisant les agents à se mettre à la place du sélectionneur ou du recruteur. Il en découle une pression à la mise de côté des personnes les moins employables.