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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

La coordination à l'épreuve d'un dispositif de normalisation : le sens des protocoles de soins dans les maisons de santé pluri-professionnelles
Nadège Vezinat  1@  
1 : Université de Reims Champagne Ardenne  (URCA)
Laboratoire REGARDS

Cette communication s'intéresse au développement croissant en France de « maisons pluriprofessionnelles de santé » introduites dans le code de la santé publique en 2007 (loi de financement de la sécurité sociale du 19 décembre 2007) pour ouvrir aux professionnels libéraux un mode d'exercice collectif de la médecine ambulatoire de premier recours sur un territoire donné (Vezinat, 2019). Ces maisons de santé, qui regroupent des médecins généralistes et des paramédicaux, rédigent un « projet de santé, témoignant d'un exercice coordonné » (article L6323-3 du Code de la Santé Publique) propre à chacune.

Ce projet peut être rédigé avec l'aide de l'ARS sensée accompagner l'installation des professionnels de santé depuis la loi HPST. La transmission du projet de santé des maisons de santé à l'ARS ne vaut théoriquement que pour information. Mais, dans les faits, la maison de santé semble être labellisée quand le projet remplit le « cahier des charges » de l'ARS et a été validé par un « contrat » avec elle. Ce contrat lui permet d'ailleurs de recevoir de nouveaux modes de rémunérations.

Ces éléments propres au New Public Management (contractualisation, projet...), en ce qu'ils remettent en cause l'autonomie des professionnels, peuvent être vus comme des instruments de coordination autant que de contrôle des professionnels de santé (Divay, Gadéa, 2008). Mais, dans les maisons de santé, les professionnels adhèrent à ces réformes, ils en sont même moteurs. Cela nous invite à repenser cette adhésion en sortant de l'opposition binaire entre New Public Management et professions (Bezes, Demazière et al., 2011) qui constitue certes une clé de lecture immédiatement intelligible mais insuffisante pour comprendre la complexité de la normalisation qui s'opère dans le monde professionnel des maisons de santé.

Dans le cadre d'une enquête qualitative (majoritairement basée sur des observations et des entretiens), nous nous intéresserons au sens que prend le développement de dispositifs de normalisation au sein des maisons et pôles de santé en termes de protocoles mis en place au nom d'une meilleure coordination des soins mais également d'une autorégulation des professionnels de santé par eux-mêmes. Ces protocoles relèvent-ils d'une logique de contractualisation ? S'agit-il d'un outil utilisé dans le cadre d'un gouvernement à distance des agences régionales de santé ? Que transforme-t-il dans le travail de soin des maisons de santé qui le mettent en œuvre ?

Notre communication vise à comprendre comment la mise en place de protocoles participe d'une internalisation des contraintes extérieures par les maisons de santé. Mais nous nous interrogerons également sur les ressources permises par cette « protocolisation » dans l'optique de montrer le travail en équipe, de le valoriser, de l'harmoniser aussi. Ce type d'instruments est-il significatif de la sujétion d'un groupe professionnel à une logique managériale ? Ou ne peut-il pas tout autant relever d'un affranchissement vis-à-vis de certaines institutions ? Ces questions nous permettront d'étudier comment ces dispositifs de protocole de soins en maison de santé sont construits ainsi que la signification qu'ils prennent pour les professionnels de santé qui portent ces formes de rationalisation de leur activité.


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