Le concept de « planification » est aujourd'hui enfermé dans une enclave de l'histoire. Celle-ci restreint le concept aux formes historiques qui s'en revendiquaient. Parmi ces formes historique, nous retenons principalement, d'une part, la planification économique des régimes socialistes ; et d'autre part ; la planification économique « indicative » des économie de l'ouest. L'existence de cette seconde forme de planification économique dite « indicative » est perçue comme le résultat de l'influence de la première[1]. Dans les deux cas, elle est associée à une importante intervention de l'Etat sur les décisions de production[2]. Un temps objet d'une « foi » et d'une « euphorie » partagée des deux côtés du rideaux de fer[3], le concept de planification est relégué, au pire, au rang d'erreur du passé ; au mieux, à celui d'archaïsme depuis la levée du rideau.
Nous chercherons d'abord à retourner au concept originel de planification, dépourvu de ses déterminations historiques et contingentes[4]. Sa substantifique moëlle se révélera être la dimension « volontaire » qu'elle appose à la coordination, par opposition à dimension « spontanée » de la coordination marchande[5].
Grâce à cette réinitialisation conceptuelle, nous proposerons de repenser l'effectivité de la planification en régime capitaliste. Ainsi, nous nous demanderons si la coordination volontaire des décisions de production économique n'a pas survécu au déclin de la planification indicative officielle. Nous émettrons des hypothèses quant aux formes particulières que cette coordination volontaire, délestée de la tutelle étatique, a pu prendre[6].
Enfin, nous envisagerons ce concept comme fédérateur de possibilités concernant l'économie de demain. La coordination des décisions est aujourd'hui en proie à de nouveaux mécanismes de coordination spontanée permis par l'avancée des technologies de l'information. Ceux-ci viennent parfois se surajouter au mécanisme marchand[7]. Repenser les domaines respectifs de la volonté et de la spontanéité dans la coordination des décisions s'impose comme une tâche politique nécessaire à l'heure où des objectifs écologiques précis doivent impérativement être atteints[8].
[1]E. Hobsbawm, L'Âge des Extrêmes. Histoire du cours Xxème siècle, Complexe, 1999.
[2]« Qu'était-ce que la « planification » ? Le mot est trompeur. Ce que tout ses partisans avaient en commun c'était la croyance au rôle renforcé de l'Etat dans les affaires sociales et économiques.»,T. Judt, Après Guerre, Hachette, 2010, p. 92.
[3]M. Christian, S. Kott, O. Matejka, Planning in Cold War Europe, De Gruyter, 2018.
[4]« Economic planning embraces all activities which co-ordinate economic decision in a way that would not occur spontaneously », Estrin & Holmes, French Planning in theory and in practice, George Allen & Unwin, p.1.
[5]F. A. Hayek, Droit, Législation et Liberté, PUF, 1973.
[6]J. K. Gabraith, Le Nouvel Etat industriel, Gallimard, 1967.
[7]E. M. Azevado, E. G. Weyl, « Matching market in the digital age », Science, 352 (6289), 1056-1057.
[8]L. Després, The ecological transition, a goal for renewed planning. 2018.