Rapprocher économie et république est très rarement fait. L'idée de penser l'économie à l'aune des principes républicains apparaît à ce point incongrue que la notion même d'économie républicaine n'est quasiment jamais utilisée.
L'idée selon laquelle la démocratie vaut pour l'ordre politique, tandis que celui de l'économie relève du marché ou du capital est profondément ancrée dans les esprits. De façon générale, pour s'en satisfaire ou pour s'en plaindre, chacun s'accorde néanmoins à dire que nous vivons dans une « économie de marché » ou une « économie capitaliste ».
C'est cette évidence que la notion d'économie républicaine invite à interroger dans cette communication à vocation théorique.
Dans les faits, nos économies sont loin d'être des économies de marché. Des marchés, de la concurrence, de l'initiative privée existent certes. Le marché et le capital domine sans aucun doute l'économie. Il n'est donc pas illégitime de soutenir que nous vivons dans des économies capitalistes. Des pans entiers de nos économies échappent toutefois au marché et au capital. Nous vivons dans des économies mixtes, des économies non pas de marché, mais avec du marché et de l'intervention publique et du Tiers secteur.
Cette révolution de l'économie mixte a été d'autant plus laborieuse qu'elle a été largement impensée. Nous sommes en l'espèce confrontée à un paradoxe : l'Etat social est la véritable révolution que nous a finalement légué le XXe siècle mais nous n'en n'avons pas à proprement parler la théorie. Alors que nos économies sont mixtes, nous ne l'appréhendons pas et nous ne l'assumons pas pleinement. Le libéralisme est une théorie sans réalité, l'Etat social est une réalité sans théorie. Comment expliquer ce paradoxe et comment surtout le surmonter ?
Pour mieux théoriser l'Etat social, il convient de revenir sur le socle politique de nos sociétés. Ce socle politique est la démocratie. Or celle-ci est mixte, elle s'articule autour de deux pôles comme le souligne Marcel Gauchet. Un pôle libéral, avec les libertés individuelles d'expression, de réunion, de propriété de soi et de ses biens. Un autre qui ne l'est pas : celui du suffrage universel, de l'Etat, de la nation, de la loi qui s'impose à tous et des institutions pour en déployer les effets.
Alors que la démocratie est depuis longtemps théorisée, tout se passe comme si nous en étions restés à une forme de préhistoire dès lors qu'il s'agit de penser nos économies mixtes. Sortir de cette aporie : tel est le sens de l'économie républicaine. Elle se propose de prolonger sur le domaine de l'économie ce que nous dit Marcel Gauchet sur le politique. Nos économies, à l'instar du politique, sont structurés par deux pôles : un pôle libéral, celui du marché, de l'initiative privée, du capital, mais qui comprend aussi le Tiers secteur, et un pôle qui ne l'est pas, celui de l'Etat social avec ses quatre piliers que sont la protection sociale, le droit du travail, les services publics et les politiques économiques. La justification de l'Etat social puise au même schème que le pôle républicain de la démocratie : le tout n'étant pas réductible au jeu des parties, l'intérêt général à celui des intérêts individuels, la macroéconomie à la microéconomie, il y a lieu de combiner initiatives privées et intervention publique.