Etudes de Marxologie (1958-1994) est une des nombreuses séries de la revue Economies et sociétés publiée par l'ISMEA, centre de recherche en économie fondé par François Perroux en 1944. Cette série est unique dans le paysage des revues de l'ISMEA par son objet scientifique, l'histoire et la pensée de Marx et des marxismes et par les profils des chercheurs qu'elle rassemble, principalement philosophes, historiens et sociologues. Les positions défendues dans la série quant à la théorie de Marx et ses rapports avec les différents marxismes peuvent être lues à travers celles de son fondateur et directeur, le philosophe marxiste Maximilien Rubel. Se rattachant à la tradition du communisme des conseils, il livre à travers ses recherches et ses travaux d'édition une lecture humaniste de l'œuvre de Marx qu'il unifie autour d'une « éthique socialiste » qui aurait servi de fil conducteur à toute l'activité de Marx, scientifique aussi bien que politique. Il défend également la thèse d'une incomplétude de l'œuvre de Marx et essaie de reconstituer, à partir de ses écrits de jeunesse, la critique radicale de l'Etat qui devait suivre la "critique de l'Argent" entamée dans Le Capital. Cette lecture, diamétralement opposée aux thèses du marxisme-léninisme et à celles de Louis Althusser, a été le support de polémiques multiples opposant Rubel aux penseurs communistes de l'époque et d'une critique virulente du socialisme réalisé en URSS. La plupart des auteurs publiant dans les Etudes de Marxologies partagent ces idées conseillistes et l'ensemble de leurs travaux viennent soutenir et enrichir la lecture de Rubel.

Cette communication sera l'occasion d'explorer un marxisme libertaire très minoritaire qui trouve avec les Etudes de Marxologie un espace de publication scientifique international. Il se caractérise par un rejet de la forme parti telle que l'entend le marxisme-léninisme et manifeste une confiance dans la spontanéité révolutionnaire du prolétariat. Il esquisse ainsi un communisme radicalement démocratique. Cette communication apportera également un nouvel éclairage aux rapports qu'entretient François Perroux avec la théorie de Marx. Il partage notamment avec Rubel le refus d'un déterminisme strict qui nierait à l'être humain toute liberté d'action et toute capacité de modifier le cours de l'histoire.

Ayant fait l'objet d'un mémoire de master 2, dans lequel je présente la revue en la mettant en relation avec les travaux de Rubel, ces travaux sur les Etudes de Marxologie s'inscrivent dans le cadre d'une thèse en histoire de la pensée économique débutée cette année sur François Perroux et l'ISMEA. Cette thèse prend le parti pris original d'étudier les réseaux de François Perroux à partir de l'analyse des revues publiées par l'ISMEA : Economie Appliquée et Economies et Sociétés. En prolongement de mon mémoire, je travaille actuellement sur le rapport de Perroux à la pensée marxienne. Je compte également apporter des éléments sur les relations entre Perroux et Rubel et sur la place des Etudes de marxologie et de ses contributeurs au sein de l'ISMEA, au moyen notamment d'un travail sur les archives de Rubel.