La thématique du vieillissement occupe une place dans la littérature économique. Elle interpelle sur le financement de retraites, de la santé mais aussi sur les potentiels conflits entre les générations. Il est généralement appréhendé par un ratio entre le nombre de personnes âgées et la population totale. Ce mode de calcul est loin d'être neutre (Bourdelais, 1997). Cette mesure occulte pour partie une dimension importante : l'augmentation du nombre de personnes très âgées.
Entre 1970 et 2010, le nombre des centenaires a été multiplié par 13 en France. Les projections tablent sur la continuation de cette évolution (Blanpain, 2010). Le scénario le plus fort prévoit à nouveau une multiplication par 13 de leur nombre. Si l'effectif des personnes très âgées restera relativement faible par rapport à la population totale, cette mutation démographique devrait avoir des incidences non négligeables, notamment au niveau de ce qui concerne l'aide à la personne. Dans ce domaine et malgré les dispositifs publics, le rôle des conjoints, des enfants et de la famille est considérable, avec une prégnance très forte du rôle des femmes (Helffer, 2006 ; Billon et Gramain, 2014). La diversité des aides apportées, le temps consacré, les sacrifices et les renoncements consentis sont importants (Daune-Richard et al, 2012). Ils peuvent conduire à un épuisement de l'aidant (Duprat-Kushtanina, 2016).
L'avancée vers un grand âge se traduit par une augmentation de l'âge des aidants. Comment intégrer cette double évolution ? Est-elle susceptible de remettre en cause les solidarités existantes ? Renforce-t-elle la fragilisation des personnes ? Contribue-t-elle à l'interpellation des dispositifs basés uniquement sur l'état de la personne âgée (Ennuyer, 2003) ?
Pour y répondre, cette communication a pour objectif d'identifier les théories économiques intégrant la durée de vie et les rapports intra-familiaux et la manière dont elles abordent le vieillissement aux très grands âges. Sur ce point, il semble que l'analyse standard ne soit pas en mesure d'appréhender cette double évolution. Basées sur la théorie microéconomique du choix rationnels, la plupart des modélisations ne considèrent que deux catégories d'agents supposées homogènes : les parents aidés et les enfants aidants (Thiébaut et al., 2012). Cette conception duale des relations intrafamiliales et du vieillissement présente des limites en ce qu'elle ne permet pas d'appréhender les effets de périodes, d'âge et de cohorte mis en évidence par les démographes et les approches socioéconomiques du life course (Mortimer et Shanahan, 2003). Avec l'accroissement du nombre de centenaires, les effets peuvent profondément affecter l'agencement des parcours de vie et remettre en cause la catégorisation en termes d'aidant et d'aidé (quel statut caractérise par exemple les enfants des personnes très âgées ?).
Afin d'illustrer cette réflexion théorique, nous mobiliserons des données empiriques permettant de rendre compte, sur la base de projections sociodémographiques, de l'hétérogénéité des trajectoires de vieillissement et de leurs conséquences potentielles pour les différentes tranches d'âge. L'inclusion du grand âge permet d'interpeller les dispositifs existants et, plus généralement, soulève de nouvelles interrogations théoriques.
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