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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

Papers > By author > Grapperon Laudine

Le revenu de base inconditionnel : chaînon manquant dans la réalisation de l'utopie libérale ?
Laudine Grapperon  1@  
1 : Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt Paris Est  (LIPHA)  -  Website
Université Paris-Est
Université Paris-Est Créteil Val de Marne LIPHA Paris-Est Campus Centre de Créteil 61, avenue du Général de Gaulle 94000 Créteil -  France

Cette communication explore la capacité des propositions de revenu de base inconditionnel (RBI) à fonder un ordre social réalisant l'utopie libérale de conciliation entre liberté individuelle et prospérité collective (Audard, 2009). Ce questionnement part du constat que le projet libéral d'une société de liberté individuelle autorégulée au bénéfice de tous est loin d'avoir abouti dans les démocraties occidentales. Pire encore, sous l'effet d'une gouvernementalité qualifiable de 'néolibérale' (Brown, 2015 ; Dardot & Laval, 2016), les conditions mêmes de préservation des libertés s'y trouveraient sévèrement menacées. Dans ce contexte, la question de savoir si le projet véhiculé par certaines propositions de RBI de garantir à « l'ensemble de la population [les moyens matériels] pour mener une existence digne » (votation fédérale suisse, 2016), permettrait de réaliser l'utopie libérale englobe celle de savoir s'il permettrait un dépassement de la rationalité néolibérale en libérant les citoyens de la contrainte économique ou si, à l'inverse, il ne serait pas 'le cheval de Troie du capitalisme néolibéral' aggravant un individualisme sans scrupule et le délitement de la cohésion sociale entre des entités entrepreneuriales compétitives. A en juger ses plaidoyers, la catégorie de RBI à laquelle nous nous intéressons, apparait apriori comme une opportunité pour échapper à la gouvernementalité néolibérale en rendant possible le développement de rationalités alternatives plus propices à la coopération, aux évaluations sensibles, à la lenteur, au don, etc. Néanmoins, à partir d'une analyse du débat tel qu'il s'est tenu Suisse et en France entre 2015 et 2017, nous observons que l'acceptabilité du projet émancipateur du RBI se heurte à de nombreuses objections dites ‘de réciprocité' ayant trait à son inconditionnalité. Notre étude s'applique alors à traiter l'insuffisance des réponses apportées à la dimension économique de ces objections.

En effet, à partir du moment où l'on reconnait que ces RBI ne trouvent de défense cohérente qu'à condition d'envisager un dépassement de l'éthique de la valeur travail-emploi (Gorz, 1997), la question que pose directement cette objection est celle de la coordination des activités humaines productives en dehors de l'obligation de se dérouler sur le marché du travail rémunéré. Cette question est intimement liée à la supposée absence de validation collective dont souffriraient les activités échappant à l'échange marchand ou au contrôle de l'administration publique (Harribey, 2017). Cette communication propose alors de voir quelles sont les conditions nécessaires pour envisager la soutenabilité économique du RBI. Au premier rang de celles-ci se trouvera celle de postuler la capacité de l'agent économique à déterminer sa contribution à la création de richesse. Nous arriverons finalement à la conclusion que cet ambitieux postulat normatif constitue non seulement une opportunité rare pour traiter de manière multidisciplinaire les obstacles à la liberté qui ont perduré en dépit du compromis fordiste (inégalités en matière de capabilités dans le hors-emploi); mais aussi une manière de relégitimer les mécanismes traditionnels de coordination (marché et état) par une amélioration des signaux-prix sur les marchés et la facilitation des initiatives citoyennes dans l'espace public.


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