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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

Papers > By author > Cary Paul

Ancrer la consommation localement : une « utopie réelle » ? L'exemple d'une coopérative de consommateurs lilloise
Paul Cary  1@  
1 : CERIES
Université de Lille, Sciences Humaines et Sociales

Nous rendrons compte de notre travail de terrain (entretiens, observation participante) portant sur une coopérative de consommateurs lilloise - Superquinquin (SQQ infra) - qui, fin 2018, regroupait 1200 sociétaires. Si la question des alternatives semble revenir d'actualité (Laville, 2010; Wright, 2017) et si certains travaux soulignent une tendance à la politisation de l'acte de consommation (Dubuisson-Quellier, 2008), les expériences sont souvent cataloguées de façon binaire comme « alternatives » ou « conventionnelles ». Or, si toutes ces expériences promettent « une différence », seule l'analyse de leurs mécanismes de régulation permet de les qualifier comme différentes (Le Velly, 2017). C'est dans cette optique que nous analyserons SQQ.

SQQ n'échappe pas aux tensions des expériences de la stratégie « interstitielle » (Wright, 2017). La liste des difficultés auxquelles ces expériences qui visent à réintroduire de la démocratie en économie sont confrontées est longue : isomorphisme et reproduction de l'organisation entrepreneuriale classique (Bidet, 2003) incompatibilité d'objectifs trop variés, homogénéité sociale, épuisement du noyau militant, forte personnalisation, faible implication des militants dans les instances formelles.

 La singularité de SQQ réside dans la mise en œuvre de régulations singulières pour faire face à ces tensions, régulations marquées par une forte territorialisation (Pecqueur et Itçaina, 2012). Pour marquer et incarner sa « promesse de différence », SQQ met en œuvre, non sans difficultés, un mode de régulation ancré dans le local – qui correspond à la fois à l'échelle et au motif de l'engagement. Face aux attentes très variées des sociétaires, on peut souligner trois traits importants.

La première innovation de SQQ réside dans sa capacité à réactualiser un modèle hérité du 19è – la coopérative de consommation – en tentant d'en limiter les dérives prévisibles (Draperi, 2013). Pour ce faire, SQQ contraint les sociétaires à réaliser trois heures de travail mensuellement. Cette réflexion est fondée sur un principe d'égalité qui tranche avec les valorisations très différenciées du temps selon le milieu social dans nos sociétés.

Deuxièmement, outre un « pouvoir d'achat », SQQ exprime également un « pouvoir de vendre », en refusant tout un ensemble de produits liés à des marques de l'agroalimentaire, mais aussi en offrant des gammes variées. Dans une certaine mesure, le principe initial d'égalité des sociétaires favorise une gamme assez étendue (conventionnelle, locale et bio).

Enfin, SQQ s'inscrit clairement dans une perspective d'expérimentation sociale, marquée par une prise de risque. SQQ bénéficie de ressources propres importantes, liées au travail et aux cotisations des sociétaires, régulièrement invités également à (auto)financer des projets stratégiques.

 Englobant ces trois dimensions, l'ancrage dans un territoire (quartier de Fives, Lille) se révèle déterminant. Si les sociétaires acceptent les contraintes assez lourdes de la coopérative, c'est parce qu'ils se sentent parties prenantes de l'expérience. Ainsi, SQQ peut être définie comme une expérimentation, hybridant de façon originale un modèle d'organisation hérité du 19è en la reproblématisant à travers les mouvements de consommateurs contemporains.


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