Le but de cette présente communication est d'établir un lien entre mes premières expériences de jeune chercheure, autour de deux points communs : l'Afrique et les conventions. Même si les deux cas, entre la thèse (réalisée en France) et le post-doctorat (réalisé aux Pays-Bas), sont différents, une question demeure : comment les acteurs influencent-ils l'évolution des règles au sein des processus de 'développement' ?
Au Sénégal, mon premier cas, comme dans d'autres pays africains, le système de protection de la santé se développe autour de mutuelles, fondées sur le principe de l'économie sociale et solidaire. Je cherche à montrer qu'une même institution peut être portée par des principes de justification différents pour lui donner sens, et que ceci aboutit à des problèmes de coordination importants entre tous les acteurs impliqués. En Afrique du Sud, mon second cas, je me concentre sur l'histoire politique de l'évolution de statistiques officielles telles que le taux de chômage, la pauvreté, le PIB, en m'intéressant aux liens entre les conventions statistiques domestiques et internationales, et à l'impact de la vision de l'économie et de la société, au travers d'acteurs aux multiples intérêts, sur l'évolution de ces conventions.
La mise en comparaison de ces deux cas, et des expériences de terrain qui en découlent, me permet de faire émerger des points communs et des réflexions sur les perspectives du cadre conventionnaliste. La pluridisciplinarité des conventions est une force importante. Si, durant le doctorat, le cadre théorique et la méthodologie s'inscrivaient plutôt dans une socioéconomie des conventions, le post-doctorat s'inscrit cette fois-ci dans une économie politique des conventions, les deux étant évidemment liés. Les conventions permettent ainsi de communiquer aisément dans le monde académique international, entre départements d'économie, de sciences politiques, de développement international, etc. Cette richesse, théorique et empirique, permet de penser le cadre conventionnaliste dans des contextes bien différents et particuliers. Les pays africains peuvent constituer des cas extrêmes, notamment par rapport aux pays occidentaux pour lesquels des courants, tels que les conventions, sont d'abord pensés. Mais leur dynamisme et leur diversité permet aussi, à l'inverse, d'envisager des terrains d'études intéressants et importants, à la fois pour occuper un espace pour le moment ténu dans le domaine de l'économie du développement, face à l'économie standard, et afin d'enrichir l'économie des conventions elle-même. Certaines limites se posent toutefois, qui constituent in fine des perspectives d'avenir. Le fait de se concentrer sur les acteurs, sur la trajectoire de leurs relations, ne permet pas de saisir aussi aisément le cadre élargi des dynamiques politiques, institutionnelles et économiques plus globales et l'évolution des régulations macroéconomiques, qui jouent également un rôle important. Le dialogue avec l'école de la régulation est un projet que je mène ainsi en parallèle. Dans une optique plus académique, si les conventions s'exportent dans le ‘monde anglo-saxon', celles-ci sont encore peu connues, mais intéressent, et peuvent constituer une voie intéressante pour l'avenir.