La pensée économique entretient des rapports complexes avec son objet d'étude : si elle prétend à l'objectivité, l'économie politique est malgré tout née science de gouvernement ; si bien que toute théorie économique contient, implicitement ou explicitement, son propre programme de transformation des conduites et des pratiques économiques, et sa propre conception de la justice dans les échanges. La présente proposition de communication suggère que l'on peut trouver, dans certaines théories économiques marginalisées par l'histoire de la discipline, des conceptions de l'économie et des programmes pratiques riches de futurs alternatifs pour l'économie : l'histoire des doctrines économiques constitue ainsi un outil précieux non seulement pour connaître le passé, mais aussi pour penser l'avenir et le présent.
Dans son Histoire de l'analyse économique, Joseph A. Schumpeter distingue deux grandes approches de l'économie : l'approche en termes réels, et l'approche monétaire (2004, p. 389-403). La première centre son analyse autour des biens et des échanges de biens, et considère souvent la monnaie quantité négligeable ; prédominante dans la discipline depuis Adam Smith, ses préconisations pratiques visent les conditions matérielles de production et d'échange, la monnaie étant typiquement considérée, et devant rester, neutre. La seconde, à l'inverse, place l'institution monétaire au fondement de la sphère économique ; elle inspire par conséquent des réflexions sur les conditions monétaires de production et d'échange, et peut aller jusqu'à suggérer, pour transformer l'économie, le changement du système monétaire lui-même. La communication proposée s'appuiera sur le travail de deux penseurs s'inscrivant dans cette dernière tradition – Pierre-Joseph Proudhon et Silvio Gesell – afin de montrer qu'une réflexion sur le futur de l'économie ne peut s'affranchir d'une réflexion sur l'institution monétaire qui en constitue le fondement et y distribue de manière toujours partiale les capacités d'agir.
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