L'égalité professionnelle est depuis 1983 un objet de négociation au niveau des entreprises, les partenaires sociaux héritant à cette occasion d'une question particulièrement complexe. Les travaux sur les rapports sociaux de sexe des années 1970 ont bien montré en effet l'étroite intrication du productif et du reproductif qui suppose que l'égalité entre les sexes engage bien d'autres sphères et d'autres espaces que le travail. Pour négocier sur ce thème, les acteurs locaux doivent donc donner une forme à la notion d'égalité qui, en elle-même, n'oriente vers aucune piste opérationnelle. Il n'en va pas de même de la mixité, de la lutte contre la discrimination, de l'accès à la qualification, etc., notion qui décident, elles, d'opérations concrètes, respectivement le recrutement de femmes, le suivi de leurs carrières, la formalisation de parcours de formation, etc.
A partir d'une ANR en cours (Collective Agreement on Gender Equality, CAGE) associant approches quantitative et qualitative, nous nous proposons de restituer les différentes acceptions données par les protagonistes de la négociation à la notion d'égalité. Nous porterons à cette occasion une attention particulière aux services des ressources humaines (RH), acteurs incontournables notamment dans les plus petites unités bien qu'ils restent relativement peu examinés par la littérature en sciences sociales. Constatant la diversité des acceptions, nous cherchons à les comprendre en référence aux caractéristiques des entreprises et à leur situation de production, mais aussi en fonction de leur expérience antérieure de production de texte sur l'égalité professionnelle et au-delà.
Deux processus se combinent dans cette carrière de production de textes des entreprises : le fait d'abord que divers dispositifs (promotion des emplois de l'entreprise, classification, avantages sociaux divers, etc.) existants souvent de longue date orientent la compréhension de l'égalité entre les hommes et les femmes (action de path dependency en quelque sorte) et d'autre part le dédale d'obligations que la loi impose en la matière. Pour les services RH, la mise aux normes légales qui constitue une de leurs missions centrales suppose, pour l'égalité professionnelle, un coût non négligeable que l'absence fréquente d'expert-e-s du sujet alourdit. Les différents types de production de textes suggèrent une diversité d'approches de la part des services RH, procédant par exemple par rapprochement avec des négociations passées sur divers objets ou s'inspirant de modèles proposés par leur branche ou par l'administration.