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International Conference - Lille, France (3-5 July 2019)

Envisioning the Economy of the Future, and the Future of Political Economy

Papers > By author > Jourdain Edouard

Quelles normes comptables pour une société du commun ?
Edouard Jourdain  1@  
1 : Jourdain
École des Hautes Études en Sciences Sociales [EHESS]

La question des normes comptables peut paraître très complexe et sans véritable enjeu pour ceux qui ne sont pas spécialistes. Nous avons souvent en tête l'idée qu'il s'agit d'une technique neutre, avec des entrées et des sorties. Pourtant, lorsque l'on parle de comptabilité il est aussitôt question de normes comptables, la question du droit venant remettre en cause cette idée de neutralité technique.

L'enjeu de cette communication consiste à montrer en quoi la représentation de la valeur a pu évoluer via les normes comptables qui sont au cœur de l'économie dans la mesure où elles constituent l'image du fonctionnement de l'entreprise. Loin d'être un simple outil technique neutre, elles revêtent une dimension éminemment politique. Dans cette perspective, il s'agit de montrer leur fonction dans l'histoire, ainsi que l'idéologie dont elles sont tributaires aujourd'hui, pour enfin montrer dans quelle mesure il est envisageable de penser des normes comptables où les définitions du capital et de la valeur s'inscriraient dans une économie du commun. Cette notion de commun, revenue récemment en théorie politique (des travaux d'Elinor Ostrom[1] à ceux de Dardot et Laval[2]), impliquerait ainsi l'inclusion dans les normes comptables d'une réelle cogestion et d'une réelle écologie rompant avec le modèle libéral.

Depuis le XIIIème siècle, c'est le capital financier qui a été valorisé dans toutes les comptabilités alors que les économistes classiques admettent eux-mêmes que trois capitaux sont indispensables pour la bonne marche de l'économie : le capital naturel, humain et financier. Il serait donc logique d'intégrer ces trois capitaux à égalité dans les normes comptables. Pour changer le système des normes comptables, il s'agit notamment d'intégrer le capital naturel et le capital humain au passif du bilan (comme l'est actuellement le capital financier qui est ainsi mieux protégé que les deux autres) et mesurer leur dégradation, ainsi que de constituer un contrôle démocratique des normes comptables.

Dans la plupart des travaux concernant l'intérêt social, le droit comptable est absent alors qu'il est au cœur de l'entreprise. Il serait donc utopique de vouloir réformer le droit des sociétés sans toucher au droit comptable, ce qui suppose de redéfinir les concepts de capital et de profit (qui implique notamment de reconcevoir juridiquement la notion de propriété).

La préservation de tous les capitaux est évidemment complexe, ne serait-ce que parce que les entités vivantes ont tendance à se dégrader. Le véritable enjeu est la possibilité d'un arbitrage en commun. Dès lors la véritable question, qui est éminemment politique, est : à quoi tenons nous ?

 


[1] Elinor Ostrom, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, De Boeck, 2010.

[2] Christian Laval et Pierre Dardot, Commun : essai sur la révolution au XXIeme siècle, La découverte, 2014.


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