Notre contribution aura pour objet l'analyse des pratiques de réemploi et de partage qui se déploient au sein des gratiferias, des organisations alternatives de l'ESS qui s'inscrivent en France et en Europe dans le sillage du mouvement des zones de gratuité. Les gratiferias proposent en effet un modèle de sortie de la transaction marchande par la gratuité en faveur d'une transition écologique partagée. Toutefois, le projet politique, souvent inspiré des revendications écologistes ou anti-consuméristes, porté par ces magasins où tout est gratuit, se confronte d'une part à la prégnance de la fiction économiciste dénoncée par Polanyi, qui assimile toutes pratiques d'échange de biens à un échange marchand, et d'autre part, à une compréhension étroite du don qui conduit à l'assimiler à sa forme jugée problématique par Mauss lui même, à savoir le don-charité. Au demeurant, la force de ces représentations dominantes portées par l'imaginaire marchand, conduit dans les gratiferias à des pratiques différenciées de la part des "visiteurs" qui peuvent s'avérer en contradiction avec les objectifs politiques à l'origine de ces expérimentations citoyennes. Ce sont ces pratiques que nous analysons ici sous la forme d'une typologie qui nous l'espèrons permet de mieux les appréhender tout en mettant en perspective la contribution potentielle de ces initiatives à un modèle économique alternatif de satisfaction des besoins.